Il y a deux cigarettes, mon monde tournait encore ; il y a deux cigarettes, je les gardais pour plus tard pour arriver sans sentir le tabac ; il y a deux cigarettes je marchais droit et j’avais hâte d’arriver ; il y a deux cigarettes j’avais décidé de dire que jétais désolée, que cette histoire de pause c’était vraiment une idée à la con, que dire que javais besoin de réfléchir c’était complètement stupide ; il y a deux cigarettes je voulais dire que c’était tout réfléchi, alors que c’est sans doute une expression que je nai jamais employée ; il y a deux cigarettes je savais que je n’avais plus peur de rien et que personne ne sait où il va mais que je voulais qu’on y aille ensemble ; il y a deux cigarettes je pensais encore que j’allais le retrouver tel quel.
Alors je suis arrivée ; alors je me suis assise en face de lui ; alors il m’a semblé différent ; alors il manquait quelque chose dans cet espace entre nous qui soudain était plus que de la distance ; alors j’ai ouvert la bouche pour lui dire que je l’aimais si fort et si pour toujours ; alors il m’a dit qu’il avait rencontré quelqu’un ; alors j’ai demandé « qui c’est » et jai pensé « cette sale pute » alors que quand on quitte quelqu’un en théorie faut pas venir se plaindre après ; alors je l’ai regardé et je l’ai vu ; alors j’ai eu envie de l’étouffer ; alors jai eu envie de le dévorer pour le garder en moi pour toujours, au chaud ; alors j’ai commencé à avoir très envie d’une cigarette parce que je ne pleure jamais en fumant.
Et la Terre, de manière inadmissible, a continué de tourner ; et quand il a dit son nom son sourire ressemblait à une promesse qui n’était pas pour moi ; et j’ai allumé la cigarette et le barman a dit que c’était interdit et je l’ai regardé et il n’a plus rien dit, de toute façon y’avait personne dans son rade pourri qui était en fait notre rade pourri ; et j’étais bien contente qu’il ait parlé en premier parce que mes deux clopes et mon amour ravalé au dernier moment c’était à peu près tout ce qui me restait ; et je me suis demandé si ça valait la peine mais clairement c’était plus moi qui dansais dans ses yeux alors à quoi bon ; et j’ai fini la cigarette en me disant tiens c’est le dernier moment qu’on passe ensemble, toi qui aimes ailleurs et moi qui me brise en mille petits morceaux qui ne tiennent plus ensemble que par un filet de fumée.
Finalement on s’est levé parce que javais dit Bon et que c’était à peu près tout ce quil y avait à dire ; finalement il était à l’autre bout du monde et je me suis demandé un instant comment j’avais fait mon compte pour me retrouver devant quelqu’un que je préférais tuer plutôt que de le laisser partir ; finalement il était déjà parti et tuer les gens c’est franchement pas très poli ; finalement je n’ai plus voulu que partir parce que sentir son odeur et avoir à portée de main sa bouche et sa peau, c’était un peu trop merci bien ; finalement il a voulu me faire la bise et au lieu de me mettre à hurler plus fort que je n’avais jamais hurlé qu’un amour éternel qui se dilue dans la première chatte venue c’est moyen éternel et que s’il osait en plus me faire la bise je lui pétais les dents, j’ai fait un pas en arrière et j’ai allumé la deuxième cigarette.
Je dansais d’un pied sur l’autre avec ma clope à la main ; je dansais d’un pied sur l’autre parce que de toute façon tout tanguait dedans moi dehors la rue, dessous le sol soudain mou et dessus le ciel tombé sur ma tête ; je dansais dun pied sur l’autre en me disant pied droit je le tue, pied gauche je lui dis qu’on recommence que tout est oublié que c’est pas grave et que je l’aime, que je l’aime, que je l’aime tellement que je suis prête à le dire, enfin, pour une fois, après tout ce temps à prétendre que je m’en fous ; je dansais d’un pied sur l’autre pied droit je plante mes dents dans son cou, dans ce creux d’épaule naissante à la peau si douce qui garde bien au chaud l’odeur de ce qui doit être de l’amour, parce que si c’est pas ça que ça sent l’amour franchement je vois pas trop ce qu’on pourrait trouver d’autre, je plante et je mords, et j’arrache et je lâche rien tant qu’il nest pas mort entre mes dents ; je dansais d’un pied sur l’autre pied gauche je me mets à genoux, je me roule par terre je lèche ses baskets s’il le faut, ses baskets dégueus, je supplie j’implore j’arrache j’humilie je traîne je me dépouille ; je dansais d’un pied sur l’autre et puis jai écrasé la cigarette, je suis restée debout mais je suis passée de dos, je suis partie, peut-être que si je m’étais retournée une dernière fois rien de tout ceci ne serait resté vrai, peut-être qu’on aurait pu effacer et décider que ça ponctuait, entre parenthèses, mais lui il a toujours préféré les phrases courtes et il est très fort pour mettre des points et j’allais pas en plus me manger de la ponctuation dans la gueule.
Il y a deux cigarettes le monde tournait encore.
Il faut que jarrête de fumer.
Mais comment vous faites pour mettre des mots sur ce que je ressens moi, hein ? Merci. Et virtual "tapotements sur l’épaule" (nan parce que "hug", on se connaît pas après tout quoi) d’une inconnue qui compatit pour de vrai parce qu’elle aussi, son cur est encore ? vif.
Alors, juste pour que personne ne se sente trahi ou quoi que ce soit, la rubrique Test est consacrée ? des textes qui sont l? pour être des textes. Je ne répondrai pas aux questions de « est-ce que c’est vrai », et je ne veux pas non plus que qui que ce soit se sente floué ou … enfin vous voyez quoi. Mais sinon tapoteuh-tapote sur l’épaule, aussi, parce que ça empêche rien.
Bon ba c’est bien beau, mais bien triste aussi… mais j’aime bien. enfin pas tout le temps quoi, sinon je vais probablement finir roulée en boule dans le fond de mon lit ? prier pour ne jamais fumer ces 2 cigarettes l?
Est-ce que c’est vrai ? Je me sens flouée.
Quoi je suis une connasse ?
D’accord, c’est cool que tu le dises parce que je voulais commenter mais je savais pas trop quoi dire parce que tu as déj? dit que tu ne racontais pas toujours que l’exacte vérité de ce qui se passait dans ta vie sur ce blog, donc j’osais pas trop écrire.
Que ce soit vrai ou pas dans ta vrai vie, c’est en tout cas vrai d’une manière générale, et c’est ça qui nous fait du bien. Birnus
Je deuz au fait. Et je fais plein de bisous ? Notre Impératrice que j’aime pour toujours même quand elle écrit des textes pour être des textes et qui me donnent envie de me jeter du haut d’un bus.
C’est malin, j’ai la larme ? l’oeil maintenant…
Je ne fume pas, mais faut croire que ca ne change rien…
J’aime bien en tout cas, on s’en cogne que ce soit vrai, on ne te le souhaite juste pas!
Le coup de la dilution est ? la fois nauséeux parce que criant de vérité sordide et ? mourir de rire:)
Tapoteuh3fois.
C’est très beau. J’aime votre façon d’écrire impératrice, que ce soit drôle ou terriblement triste, et peu importe que les phrases soient ? rallonge et qu’on envoie la ponctuation se faire voir.
Du coup je comprends plus rien (mais c’est normal, je suis un garçon)
Impératrice, avant de lire votre commentaire, je m’apprêtais ? écrire quelque chose qui aurait commencé ainsi: "J’espère sincèrement que ce n’est pas vrai." Du coup ça marche encore après avoir lu votre commentaire. Alors oui, j’aime bien quand vous écrivez des choses sérieuses aussi, même quand elles font un peu serrer le ventre (je me comprends). Vous écrivez fort bien…
Alors, l? , je vais prendre mes gants de porcelaine, parce que ce texte est plein de petites choses fragiles que je ne voudrais pas casser avec mes gros doigts.
Super Salade a très bien résumé ma pensée juste au-dessus. Mais de toute façon, vrai ou pas vrai, c’est pas ça qui importe… Attention, je ne veux pas dire que si vous n’allez pas bien on s’en fout, Impératrice, loin de l? . Ce que je veux dire c’est que le Beulogue n’est pas un skyblog, et que vous avez le droit d’avoir une vie privée qui soit… privée, justement.
Ce qui n’empêche pas de voir ? quel point ce texte vient de loin, et ? quel point il dit des choses vraies, qu’il soit ou non *basé sur des faits réels*.
Alors je vous suis reconnaissante d’avoir réussi ? mettre en mots ce qui pour tant d’autres n’est qu’un chaos qui se bouscule dans les tripes, des trilliards de pensées qui se bousculent dans la tête et des bon sang de larmes qui se bousculent pour savoir laquelle tombera la première. Parce que, j’ai beau jamais avoir fumé de ma vie, j’ai connu ça- et je pense qu’un bon paquet d’autres avec moi.
Alors je veux bien tapeuh-taper sur l’épaule de tous ceux/celles qui en ont besoin. J’enlève mes gants de porcelaine, tiens.
Merci beaucoup, Impératrice. Vous pardonnerez mon style, hein, j’ai encore une boule dans la gorge.
Je me sens flouté.
Très beau texte. Criant de vérité donc bouleversant. (Mais qui reste pudique. Bravo. Je n’ai pas ce talent). (Cette semaine ou il y a des années, ça a forcément eu lieu, on ne peut pas écrire ce genre de texte sans l’avoir vécu… et puis de toute façon c’est arrivé ? tout le monde, non ?). En tout cas ça console de savoir que tu es talentueuse et que tes lecteurs t’aiment, non ?
Bon ok, blague ? part.
Vous avez arrêté de fumer?
C’est très touchant …
Bravo.
"quun amour éternel qui se dilue dans la première chatte venue cest moyen éternel".
Il faut absolument que je me souvienne de cette formule fort drôle pour en rire encore le jour où cela m’arrivera.
Puisque c’est un test, je suppose qu’il faut donner son avis ? eh bien j’aime beaucoup. (faut pas que je développe, hein ? J’ai toujours été nulle en commentaire composé)
C’est bien joli toutes ces tapeuh-tapes sur l’épaule, mais moi je veux des câlins après avoir lu ça. Je devrais cacher une peluche dans mon tiroir de bureau en cas d’urgence. Tapote-tapote en attendant.
Sinon, je suis très admirative de notre bien-aimée Impératrice qui décrit avec justesse les sentiments fouillis qu’on aime pas bien examiner de près.
Bravo pétronille, cet article est magnifique. j’écoutais The Raveonettes (album "Pretty in black") au même moment, ça a démultiplié l’intensité du texte.
Moralité de cette histoire : fumer nuit gravement ? l’humeur guillerette de votre entourage.
le tabac c’est tabou on en viendra tous ? bout !
C’est joli. Mais vraiment triste, vous me faites des noeuds juste sous le cou…
Je rejoins Lutine dans sa demande de consolation et effectivement, l’idée des peluches de secours est brillante. Vous irez loin.
Génie
mais c’est moi qui suis parti en premier (lol).
mais c’est moi qui suis parti en premier (lol).
Vrai ou pas, continuez de tester parce que si quelqu’un est privé, lésé (peut-être)de quelque chose (peut-être…)… ce texte, c’est aussi un très beau partage, qui vous remue bien en dedans… Du bel "ouvrage", habité, vivant, vibrant… Des mots qui nous embarque en deux lignes.
Merci.
Je lis votre Beulogue depuis un certain temps déj? et j’aime beaucoup votre façon d’écrire qui est très drôle mais ce texte est vraiment poignant, avec mon homme nous en avions la larme ? l’oeil… Très touchant, j’aime aussi vous lire sur ce genre différent.
Sur une échelle de Katherine Pankol ? Céline, vous arrivez laaaargement ? Vincent Ravalec. Holamain.