Oui, je sais, ça fait toujours peur d’entendre ça.
Mais faut qu’on parle.
Et comme je ne suis pas sûre que tu entendes, il faut que je te l’écrive. Au moins je peux essayer de choisir les mots pour qu’ils ne fassent pas trop mal, au lieu de frapper au hasard, au lieu de laisser les reproches déferler de ma bouche ; mais en même temps peut-être que j’aimerais arriver à déranger enfin la surface opaque que tu opposes, inlassablement.
Comme si montrer ce qu’il y avait dessous était nécessairement plus dangereux que tout le reste. Comme si tu cachais des choses horribles ; un casier de meurtrier d’enfant, un amour sincère pour le polyester ou un dumping social qui aurait sinistré toute l’Albanie. Mais non.
Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir là-dessous pour que tu sois aussi sûr qu’il faut le planquer à tout prix ? On est tous pareils -imparfaits.
Je n’arrive pas à comprendre. Comment tu peux être aussi attentionné envers les autres, si soucieux de leur bien-être ; comment tu peux être si doué pour savoir consoler, réconforter, alléger, quand tu sembles incapable de faire preuve de la même considération pour toi-même. Merde, à la fin.
On se connait depuis une éternité, alors je sais. Tout ça c’est de la rhétorique, j’agite des chiffons pour faire croire qu’il s’agit de vraies questions, alors que je sais. Je sais pourquoi tu préfères tout cacher, opposer ta peau que tu prétends épaisse alors qu’on sait toi et moi qu’il n’y a parfois que la minceur d’un papier de cigarette entre le monde et ce torrent de larmes que tu ravales consciencieusement. Je sais comment tu as grandi et ce qu’on t’a appris.
Je sais ce que ça a nécessité de courage de t’en sortir vivant, de résister jour après jour aux offensives de destruction massive ; parce que tu n’étais jamais assez bon, assez beau, assez bien.
Je sais l’ironie de te demander d’être reconnaissant, de savoir profiter, alors que l’insatisfaction et les reproches qu’on t’opposait en permanence t’ont depuis longtemps convaincu qu’au fond, tu ne vaux pas vraiment la peine.
Je suis désolée que ça ait fonctionné.
Je suis désolée qu’ils aient réussi à te convaincre que quelque part, tu méritais tous ces reproches. Que tu n’avais plus qu’à chercher un impossible pardon, et à planquer tout ça, tout ce qui te fait toi, puisque finalement, tu n’es qu’un monstre.
Je sais et ça me bouffe, parce que bien sûr, je sais aussi que c’est faux. Tout ça, c’est de la merde. J’ignore pourquoi on t’a fait subir tout ça, mais aussi sûre que la Terre tourne et qu’on va faire l’ouverture du 20h sur la chaleur chaude si étonnante à l’approche de juillet, je te le dis : c’est de la merde.
Tu es quelqu’un de bien, une belle personne, précieuse. Tu sais sourire, rassurer, aimer et profiter. Tu sais écouter, donner, partager.
Quelque part, cachée entre les regrets et les cicatrices, il doit bien y avoir une petite voix qui te répète que tu n’as pas à t’imposer tout ça, que tu vaux bien mieux que ce qu’on t’a laissé entendre, que tu es digne d’être aimé. Si tu es encore là, c’est qu’il reste une part de toi, même infime, qui sent que tout ça, c’est quand même un gros paquet de conneries.
Et à chaque fois que je te vois, à ce moment où tu renonces à t’aimer, ou tu décides que tu vas abandonner ; quand tu glisses dans cet endroit sombre où les mêmes voix t’attendent pour te répéter que tu n’es qu’une merde, je pourrais presque te frapper. Si je n’avais pas autant envie de te serrer dans mes bras et de te bercer. Enfin en sécurité. Tendrement. Au chaud.
Je ne peux peut-être pas t’aimer comme il faudrait, on a des choses à régler, plein de trucs, trop pour une seule vie. Mais moi je veux quand même essayer, je veux t’aimer très fort, je veux t’aimer toujours.
Alors peut-être qu’on pourrait laisser tomber, en fait.
Laisser tomber les reproches, ce que tu as fait, ce que je t’ai laissé faire, te faire. Peut-être justement qu’on pourrait se le dire une fois pour toutes, qu’on n’a pas le temps pour ces conneries.
Peut-être que je pourrais t’aider.
Peut-être que tu pourrais me laisser prendre soin de toi. Me laisser essayer de te réparer, autant que possible. Même si on sait tous les deux qu’on se tient sur un sacré tas de ruines. C’est pas très grave. On n’est pas les seuls. Personne n’est vraiment intact. Personne n’est vraiment lisse, sans nœuds ni remords, non plus.
Moi je m’en fous de te rendre parfait. C’était bon pour quand on avait 13 ans, ça. Ça veut rien dire, parfait. Parfait, c’est toi content d’être toi. Content d’être avec moi .
Tu voudrais pas au moins essayer ?
Parce qu’à ce stade, on n’a plus trop le choix.
C’est beau… vraiment très beau…
Putain connasse…
ok….ce talent pour le rire comme pour les larmes…. merci…pas merci… zut à la fin !
C’est étrangement parlant, tant et si bien que ça m’a pris la journée pour me décider à commenter… Ce dont j’aurais éventuellement pu me dispenser puisque je n’ai rien à dire d’autre que ce que j’ai déjà dit par ailleurs: vous écrivez très bien…
<3 merci!
Oh.
Impératrice, je crois bien que c’est la chose la plus émouvante que vous ayez jamais postée. Et vous en avez écrites, pourtant, des choses émouvantes.
J’ai envie de vous faire un chocolat chaud, en répétant que tout ira bien. De vous écrire une chanson. De dire merci. De pleurer.
Un peu de tout à la fois.
Merci de faire résonner tellement de choses. Vous ne saurez jamais à quel point…
Diantre. J’en suis toute émoulue.
Oups.
J’aimerais tellement que la femme que j’aime me dise la même chose, c’est magnifique…snif (et olé qd même)
Par contre si le gars n’est pas réceptif, sachez que je suis un peu comme lui quand même (et vous avez mon mail). Besos :v
lol
La ruine de quelque chose qui a failli exister oui. Un truc qui devait se construire et qu on a detruit avant sa construction. Ca laisse quoi au final! Un invisible qui lorsqu il pointe son nez est un monstre, une sous merde.
Et qu on fait fuir avec un simple BOUH tant il se mefie des gens.
Ben il est beau ce post. Faut esperer que ke destinataire a entendu