La fille qui fait du bruit 38

Je suis la fille qui reste quand tout le monde s’en va, celle à qui on dit : « reste, ça lui fera du bien ».

Celle à qui échoit la mission de ranger le buffet (les petits fours d’enterrement, s’il en reste, faut les jeter ou les garder ? ) ; de planquer les petits chaussons qui ne serviront pas, finalement ; de trier les habits parce que « ça sent trop comme lui » ; de descendre les bouteilles de la dernière cuite de la dernière rupture de la dernière dérouillée, celle que tu prends en revenant du commissariat, parce que ça va bien, maintenant, ça peut pas continuer comme ça.

« Reste, ça lui fera du bien ».
D’accord. Tant mieux. Si ça peut aider.

Ça ne me dérange pas -jamais.
Il faut bien quelqu’un.
Je reste.
Je dors dans les lits froid, en essayant de ne pas avoir peur.
Je reste.
Et c’est vrai que je suis forte, pour ça.
Je fais comme si de rien n’était, je parle de vide, de légèretés absurdes, je dis des gros mots.
J’agite très fort les bras pour éloigner la mort.
Je fais mine de pas voir les larmes ; la morve qui coule sur mon épaule ; le crâne sans cheveux sous le foulard ; les mains sans ongles ; les yeux sans cils.
Les calendriers dont plus personne ne tourne les pages.
Je reste.

J’enchaîne.
Je pleure pas.
Je gaffe horriblement.
Je fais du bruit.
Je ris.
Je m’épuise.
Faut me ramasser à la petite cuillère -en fait, il faut m’éponger, comme un vieux fond de céréales du matin qui aurait échoué sur le tapis.

Et c’est le pire, ça.
L’après.
A chaque fois je m’en veux, de me transformer en flaque, une flaque dévastée par la douleur des autres, soûle, épuisée, qui ne tient que par la force des mauvaises idées -tiens, tant qu’à être malheureuse, et si je me coupais une jambe ? Que je rouvrais mes cicatrices ? Que je recomposais les numéros effacés dix fois mais dont je me souviens encore par cœur, histoire de, tant qu’à, de toute façon ?
A chaque fois je me hais, de ne plus rien gérer à mon tour, plus rien du tout. De rester à planter, le matin, les yeux dans le vide, en me demandant comment je vais faire pour affronter la journée, par où commencer (et puis je me souviens que je dois mettre une culotte et ça fait redémarrer la machine)(c’est le Bien, la culotte).
De n’être plus habitée que par l’envie de faire avaler aux autres tout mon poids de bile et de larmes enfermées, directement de bouche à bouche, comme une trophallaxie malsaine qui me laisserait enfin délestée de tous ces sédiments de non-dits, de frustrations et d’actes manqués.
Chacun son tour, merde.

Et à chaque fois, je me souviens que je ne suis pas toute seule.
Passés la honte, l’embarras, et cette peur panique du ridicule qui me construit peu à peu toute une vie de regrets (et un bien beau futur d’alcoolique), quand je rouvre les yeux, ils sont toujours là.
On ne se comprend pas tant que ça, on se blesse ; on se parle mal, pas assez, pas au bon moment, on vit et on partage le fin fond des pathétismes, en se basant sur cette conviction absurde d’une intimité étrange et incertaine -comment peut-on s’aimer autant et se connaître aussi mal ?
Mais ils sont là, et oui, putain, c’est de l’amour.

C’était juste pour vous dire ça, les gars.
Ça va mieux.
Merci.

38 avis sur “La fille qui fait du bruit

  1. ReD BaRoNnE nov 21, 2011 11:35

    Preum’S

  2. ReD BaRoNnE nov 21, 2011 11:41

    Mais vous savez ma chère,

    Si y’a besoin on est la (même si je sonte loin des fois je peux reviendre comme un NinJAH avec mon fiacre motorisé)

    Des bizooo mwa mwa

  3. mimimagnone nov 21, 2011 11:45

    Deuz’ mouaha

  4. mimimagnone nov 21, 2011 11:45

    Deuz’ mouaha

  5. mimimagnone nov 21, 2011 11:49

    La vie, c’est pas que des petits chatons qui dansent dans l’herbe. Et c’est vrai que c’est bien dommage.

    En attendant je vous envoie du birnu galactique lyonnais, avec des pralines dedans! C’est pas du gras mais c’est du sucre, c’est pas si mal! (je peux aussi vous envoyer des bisous ? l’andouillette, mais c’est moins poetique)

  6. Came nov 21, 2011 12:06

    Je compatis moult, Impératrice : j’ai moi même en début d’année été confrontée ? la maladie d’une amie très chère, et j’ai gaffé, j’ai ri et pleuré avec elle, j’ai fait de mon mieux sans asvoir si je faisais bien. C’était dur et j’y pensais en permanence, et puis moi aussi je me souvenais que je n’étais pas seule, et ça m’a fait du bien.

  7. Sorcika nov 21, 2011 12:15

    On vous aime, Impératrice <3

  8. Mélanie nov 21, 2011 12:16

    Z’êtes pas bonne QUE dans la déconne, et c’est beau.

  9. Mélanie nov 21, 2011 12:21

    Et sinon, j’ai connu ça, et surtout ça, l’envie de renvoyer tout le négatif emmagasiné… Me suis défoulée ailleurs, et ça a fait du bien… Vous n’êtes pas une sainte, et moi non plus !

  10. Aurélia nov 21, 2011 12:51

    "Mais après, quand on est heureux, c’est encore meilleur".

    En fait c’est tiré d’un film mais bon je ne vais pas refaire toute l’histoire, ce que cette courte citation veut dire c’est aussi que quand on en a bien bien bien chié on connaît la valeur des choses, et on sait les apprécier.

    Être heureux et apaisé ça ne se décrète pas, il y a des moments où on touche le fond et où il faut tellement de temps avant d’arriver ? le donner, ce fichu coup de talon qui fait remonter…

    Simplement voil? , quand on a bien été déchiré de partout, quand ? l’improviste le calme et le sourire reviennent, on sait vraiment les reconnaître.

    Et on sait pourquoi on est l? .

    Je suis bien contente d’apprendre que ça va mieux pour vous, et le fait que vous l’exprimiez aussi bien me rend vachement confiante, l? .
    On sent que c’est un vrai "ça va mieux", voyez ?

  11. Faerika nov 21, 2011 12:53

    C’est jamais facile d’être celle qui reste mais il y’a une chose qu’on oublie : Un jour, tous ceux pour qui vous êtes restés deviendrons ceux qui restent pour vous.
    Vous ne serez jamais seule.

    Et sinon, on est l? , nous, les gens du web que vous ne connaissez pas mais qui seraient prêts ? vous envoyer leur culotte si vous leur demandiez.

    Un gros bisou et comme Mimimagnone, j’ajoute quelques spécialités du coin : des chocolats fourrés aux pruneaux, des toasts au foie gras, du magret aux cèpes, un bon Bordeaux.

  12. leo nov 21, 2011 12:59

    Ben dis dinc.. j’allais vous laisser un message pour dire que vous me manquiez mais l? ..
    je ne dirai que: courage

  13. Tibidiplouf aka Galax-ghost nov 21, 2011 13:17

    même si ça va mieux revoil? des birnus (? utiliser de suite ou ? mettre en réserve pour la journée) : des BIRNUS!!!!!
    et n’oubliez pas vous sontez formidable Impératrice!

  14. Mickymax nov 21, 2011 13:42

    La vie c’est des hauts et des bas, pour les hauts ça va tout seul, pour les bas rien ne vaut du chocolat (hé hop une rime). Transmission d’un carré de brownie noix de pécan mental.

    @ Faerika : vous m’avez ninjetté avec les produits de chez nous, c’est malin j’ai envie de foie gras maintenant

  15. Punaiz nov 21, 2011 14:14

    C’est gentil de nous le dire, ? nous. Tout ? coup, nous allons nous sentir plus important que nous ne sommes.

  16. drenka nov 21, 2011 14:43

    Pfiouuu la la ca fait froid dedans l’epine dorsale, heureusement que ca finit bien. Du birnou aussi.

  17. titbelsoeur nov 21, 2011 15:15

    ‘tit’ mère va, c’est pas facile tous les jours hein ?

  18. Eva nov 21, 2011 15:56

    Impératrice, je vous inférieur ? 3!

  19. Yun nov 21, 2011 18:39

    Courage courage!
    je suis toute pareille, celle qu’on envoie parler, consoler, qui fait le pitre histoire de distraire 3 minutes, qui éponge (d’ailleurs c’est mon surnom, "l’éponge") mais qui ne tord pas.
    Je prêche un peu pour ma chapelle, mais un jour j’ai découvert un sport (oui, bon, je sais le mot est maudis, mais spas grave), enfin plutot un art martial, le kendo.
    Pendant une heure, on frappe sur des gens, en criant (ils ont une armure, on n’est quand même pas de purs sadiques). Et le coté "art" transforme toute cette négativité en quelque chose de positif. Après, on se sent juste apaisé. et les mauvaise pensées partent en même temps que la sueur dans la douche chaude qui vient juste après.
    Hurler fait du bien, parce que jamais dans la "vie de tous les jours", on ne s’autorise a lacher cette frustration de ne pas pouvoir tout dire, alors pouvoir hurler toute l’émotion sans avoir forcément besoin des mots, ca soulage.
    voila voila, sinon courage, et moult bisous!

  20. Ninita nov 21, 2011 19:27

    Tiens, pareil, je suis un mouchoir humain qui raconte des conneries pour oublier qu’on a mal.

  21. Andromède nov 21, 2011 20:43

    Bon, ben c’est officiel : même quand vous racontez que des trucs pas rigolos, vous avez du talent.

    Je sais pas si ça vous console, mais bon…

    Du birnu impératrice !

  22. Mulan nov 21, 2011 21:52

    Merci de l’avoir si bien dit.
    Et le vrai courage c’est le vôtre : celui de ne pas fuir, de ne pas tourner la tête, de ne pas abandonner celui qui souffre par peur de souffrir soi-même.

  23. TruUffe (oui j'ai encore changé de nom) nov 21, 2011 22:43

    d’accord on est loin (fin quoi que je suis en Parisie, ça fait pas loin je crois vu que vous partagez vos problèmes du métro de malheur !!!)
    du coup ba moi je vous envoie des caramels au beurre salé de ma bretagne natale, du camembert de ma normandie familiale… et puis y’a du calva au frais si vous voulez.
    On vous nems (oui j’habite le 13e)

  24. Krazy Kitty nov 21, 2011 22:48

    Zêtes forte, zêtes belle comme un camillion, zêtes impériale. Je suis loin, je fais que passer en coup de vent dans la vie des gens, et y a trop de matins où j’oublie que tout commence par une culotte propre, bref, je sers ? rien j’éponge que dalle, mais vos « ça va mieux », ils me font du chaud dans le dedans de mon moi-même.

    Dubirnu, cordialement.

  25. McMombazillac nov 21, 2011 23:53

    J’ai pleuré.

    Impératrice, courage ! Je sais ce que c’est, je suis exactement pareille.
    Je sais combien ça peut être dur, d’être la fille qui reste, celle qui porte pas ? conséquence, celle qui parle très fort et qui rigole beaucoup pour éloigner la peur, et pour faire semblant qu’il n’y a pas de raison d’être triste. Parce qu’elle est incapable d’abandonner ceux qu’elle aime.
    Alors, courage !
    Même si vous nous connaissez pas en vrai, même si on habite tous le grand internet, toute la Galaxie est derrière vous. Et donnerait même ses compizlipes en soie sauvage si ça pouvait vous réchauffer, un peu.
    Alors je vous fais tout plein de birnu.
    Et j’ai rien ? manger comme spécialités locales, vu que j’habite près de la Parisie, mais c’est bientôt le premier décembre. Si vous voulez et que vous avez une fanbox, je peux envoyer un chouette calendrier de l’Avent.

  26. Roberta nov 22, 2011 11:49

    Un petit message d’amour en plus, car vous êtes la meilleure impératrice de toutes les galaxies.
    Du gwos énorme bisou.

  27. Tam nov 22, 2011 14:12

    Tout pareil que Punaiz, merci de nous le dire ? nous aussi. Parce que on vous aime aussi. Même si on n’est pas l? physiquement pour l’épaule et la morve (est-ce un regret ?), on est ceux qui resteront toujours pour vous.
    Vouala.

  28. Lune nov 22, 2011 19:06

    Je sais pas quoi dire, sinon que je suis totalement d’accord avec tous ceux qui ont déj? commenté. Yun a raison, crier ça fait du bien, même si j’ai jamais essayé le kendo. Et le chocolat aussi, ça réconforte.
    Quand vous dites des choses rigolotes, le fait d’écrire bien, ça fait le petit plus, juste une autre raison pour laquelle on vous aime. Mais quand vous faites des posts comme celui d’aujourd’hui, ça fait carrément pleurer.
    Je ne sais pas si je suis vraiment une éponge, en fait je ne sais pas consoler. Tant que c’est pour rire et raconter des conneries, je suis ? l’aise, mais si quelqu’un fond en larmes, ça ne va plus du tout. La seule chose dont je suis capable, c’est d’être un rocher. On peut s’appuyer dessus tant qu’on veut, le tremper de larmes, mais on ne peut pas espérer beaucoup de réconfort de sa part. En fait, je suis un rocher parce que je ne sais pas pleurer. Je ne suis triste qu’? l’intérieur.
    En tout cas je vous envoie tout plein de courage, de birnu et de chocolat. Pa capona. (ça veut dire "baisse pas les bras" chez moi.)

  29. noisette nov 23, 2011 12:06

    Et nous, on resterait bien avec celle qui reste toujours…
    Si ça peut aider…

    (Vous savez que d’une certaine manière, vous "restez" aussi avec chacun d’entre nous qui vient vous lire pour se prendre au choix une grosse tranche de rigolade ou parfois, une grosse tartine de boule de gorge ?).

    Au passage, merci donc. Et que toutes les ondes positives de la galaxie viennent vous réchauffer votre coeur endolori (et votre foi baigné de potion d’oubli).

  30. Christophe nov 23, 2011 15:14

    Je poste pour la première fois chez vous. Vous qui me faites tant rire d’habitude, avez su me toucher cette fois-ci. Mais bon faudrait pas que ça devienne une habitude hein !

  31. Christophe nov 23, 2011 15:15

    En fait je poste pas je commente.

  32. Christophe nov 23, 2011 15:15

    C’est vous qui postez.

  33. Lutine nov 23, 2011 18:03

    D’accord avec la Galaxie. Viendez nous parler, on est l? pour ça. (et pour rire des fois un peu et pour triple-commenter et pour dire des bêtises et surtout pour vous lire)
    Des bisous avec de la mirabelle et du pain d’épice.

  34. Minaviz-aka-Floubie-la-Grenouille nov 26, 2011 20:05

    le crâne sans cheveux sous le foulard ; les mains sans ongles ; les yeux sans cils….

    on peut en sortir si on a une amie qui nous tient la main

  35. G nov 27, 2011 13:32

    Très beau texte.

  36. natygan nov 30, 2011 10:24

    Ce texte est tout simplement magnifique. Et il donne terriblement envie de pouvoir être l? pour vous, qui donnez tant.
    Bravo pour ce texte (et pour tous les précédents, bien sûr !), et bravo de savoir être cette personne l? , et aussi toutes les autres qu’on a pu percevoir jusque l? .

  37. El amor déc 4, 2011 23:11

    Merci de m’avoir fait découvrir un nouveau maux. Amitiés.

Commentaires clos.